Au XVIIIe siècle, le rôle essentiel des parfums est de contribuer à l’hygiène corporelle. Être propre, c’est se frotter la peau avec des savonnettes de Bologne au citron ou à l’orange… S’asperger les mains et le visage de vinaigres parfumés ou d’eaux de Mille Fleurs, de Néroli, de Cythère. C’est aussi entretenir sa chevelure avec des huiles ou des pâtes au santal, à la rose ou au jasmin… Se poudrer de rose commune ou musquée, de jonquille, de jacinthe, de mousse de chêne…
Les progrès de la distillation au XVIIIe siècle
Le XVIIIe siècle voit également le progrès des techniques de distillation. On s’attache à extraire les esprits des corps et, à cette fin, on pratique la cohobation qui consiste à renouveler l’opération plusieurs fois en reversant la liqueur déjà distillée dans la cucurbite. Ce système permet d’obtenir des esprits ardents ou perçants d’une grande force. Dans son Traité des Odeurs, Antoine Dejean insiste sur les dangers de cette extraction et les précautions qu’elle implique car la moindre chaleur met les Esprits en mouvement. Ils sont si subtils qu’un rien les enflamme. On ne pourrait les éteindre, ce serait de la poudre.
La naissance de l’eau de Cologne le top des parfums
Ce raffinement dans la distillation coïncide avec une évolution du goût en faveur de compositions plus fraîches et légères. Archétype de cette nouvelle tendance, l’Eau de Cologne, découverte par les officiers français durant la guerre de Sept Ans, conquiert toute l’Europe. À base d’esprit-de-vin, de romarin, de mélisse et d’essences de bergamote, de néroli, de cédrat et de citron… Elle va connaître une célébrité inouïe, susciter d’innombrables imitations et inspirer quantités de créations. À sa suite se multiplient les compositions alcooliques privilégiant les notes fraîches et gaies. Dejean évoque la multitude des eaux qu’on invente journellement… De Venise, d’Adonis, Couronnée, Superbe, Sensuelle, Vigoureuse, Mignonne, Germanique, Céleste, Divine…
Les parfums envahissent la bourgeoisie Française
Louis Toussaint Piver, un des parfumeurs emblématiques de cette période. Il ouvre boutique à Paris, en 1774, au 111 de la rue Saint-Martin, va ainsi créer, après sa propre version de l’Eau de Cologne… Une Eau des Princes qui conjugue harmonieusement citron, orange, bergamote, benjoin, girofle, coriandre, néroli, palma rosa, thym et petit grain de Paraguay. Changer de parfum chaque jour devient même une pratique courante des courtisans soucieux de tenir et d’afficher leur rang. L’habillement n’échappe pas à l’invasion des senteurs. Des sachets d’arômes se dissimulent dans les revers et les plis des vêtements… Les chapeaux se doublent de pétales de roses, gants, mouchoirs, éventails et perruques sont abondamment parfumés.
On aromatise jusqu’au tabac à fumer ou à priser dont l’usage est recommandé car il fortifie le cerveau, le dégage et le purge de ses humidités superflues. Les bains de bouche et le lavage des dents ne sont pas encore entrés dans les pratiques de l’époque. Simon Barbe consacre tout un chapitre de son traité Le Parfumeur Royal à cette préparation. Le tabac est d’abord purgé avec de l’eau de rose ou de l’eau d’Ange, puis séché. II est ensuite placé en caisse, en couches alternées avec des fleurs de jasmin, de rose, d’œillet… Parfois renforcées de musc ou d’ambre et séparées par des feuilles de papier percé, de sorte que :
les fleurs étant entre deux papiers et le tabac de même, l’odeur se communiquera fort naturellement sans que le tabac corrompe les fleurs.