L’une des plus puissantes forces à l’œuvre dans la mode est le temps et les défilés de mode. Pour le styliste, la différence clé entre son produit et presque tout autre produit est sa durée de vie en rayon. La mode est, par nature, condamnée à l’obsolescence. Bien qu’une grande partie de l’étiquette jadis exigée au travail et lors d’événements particuliers soit en voie de disparition, la plupart d’entre nous prévoient d’assister à des mariages en juin, de prendre des vacances en août et d’aller à des fêtes en décembre.
De plus, les vêtements sont fragiles, sujets à l’usure. Ils doivent être lavés, et s’usent, puis remplacés. Les remplacer est à la fois une nécessité pratique et sociale. Les habits ne peuvent être nettoyés et reprisés qu’un certain nombre de fois, le fait que nos vêtements usés soient acceptables ou non, dépend de notre âge et de notre statut.
L’obsolescence programmée des vêtements
Le commerce spécule sur l’obsolescence des vêtements, et l’on s’attend tacitement à ce que nous renouvelions en partie notre garde-robe, au printemps et à l’automne. Afin de fournir les vêtements en période de demande, et pour tenir les livres de comptes ou dresser l’inventaire des stocks de manière efficace, les magasins faisaient traditionnellement un budget prévoyant deux saisons par an (printemps-été et automne-hiver). Chacune d’entre elles était suivie d’une période de soldes destinée à écouler rapidement le stock pour couvrir les fonds investis et équilibrer les prochains paiements auprès des fournisseurs. Les couturiers, en amont, livraient les collections aux magasins et aux boutiques en janvier et en août. Il y avait une livraison supplémentaire de tenues de soirée, de sacs à main en novembre, pour la saison des fêtes. L’industrie de la mode a établi son calendrier d’après ce modèle.
La nécessité d’un renouvellement permanent
Néanmoins, dans un monde d’une complexité croissante, il n’y a plus réellement de cycle annuel de la mode. Si les entreprises liées à la mode haut de gamme observent le calendrier traditionnel, les chaînes de magasins, qui ne vendent pas des collections, mais des articles individuels ou coordonnés, fonctionnent avec des délais de rotation plus serrés, et reçoivent toutes les Six ou huit semaines de nouveaux articles de leurs usines ou de leurs fournisseurs de label indépendant.
En pratique, les saisons se chevauchent, tandis que certains styles (manteaux d’hiver et maillots de bain, sac à main et chaussures), se répètent d’une année sur l’autre. De nombreuses marques (Armani et Gap) reproduisent chaque année les styles qui font office de valeur sûre. Dans les faits, chaque entreprise a son propre cycle de la mode : un calendrier d’après lequel elle planifie ses lignes, ses ventes, les délais de fabrication et de livraison, en fonction des demandes saisonnières et du caractère fluctuant de la popularité des modèles. Ce cycle repose sur l’imbrication complexe des rouages des secteurs commerciaux du textile et de la mode.
La saison des défilés
La mode est une gigantesque opération commerciale : la planification et la distribution sont cruciales pour le succès de vente d’une ligne. Les quatre centres principaux (Paris, Londres, Milan et New York) se disputent les acheteurs et se bousculent pour trouver des créneaux dans le calendrier international des défilés de mode. La saison des défilés de prêt-à-porter semestriels pour les acheteurs commence à New York, et se déplace à Londres, Milan, puis Paris sur une période de quatre semaines. Pour les collections printemps-été, la saison commence début septembre, après que les magasins ont reçu livraison des lignes automne-hiver présentées lors du précédent mois de mars.
Pour compliquer encore les choses, le calendrier de la mode masculine a environ huit semaines d’avance sur ce programme. Toutefois des stylistes comme Paul Smith, Yohji Yamamoto et Helmut Lang, produisent à la fois des lignes de mode masculine et féminine, et choisissent par conséquent de synchroniser leurs défilés. En outre, comme l’organisation de la saison repose sur la présupposition que les tendances naissent en Europe, les maisons de mode et les acheteurs américains remettent de plus en plus en question la situation actuelle.
Les Semaines de la mode et les défilés de mode
La pression lors des Semaines de la mode est immense. Pour livrer les magasins à temps, il faut présenter ses modèles et programmer sa production au plus tôt. Pour produire chaque année deux collections, le Styliste doit travailler vite. Les modèles doivent se distinguer par les coloris et la fabrication de ceux de la précédente saison, en conservant une continuité dans l’écriture. Il faut introduire des tendances nouvelles pour attirer le consommateur et aiguillonner la presse. Par ailleurs, le défilé tend à devenir un véritable spectacle. À Londres, la Semaine de la mode s’est allongée dans le temps, de manière à pouvoir programmer des présentations de gala auxquelles le public peut se rendre en achetant des billets. « Lorsque la marchandise des créateurs parvient dans leurs boutiques, la grande distribution est déjà venue, l’a déjà vue et produite. » Tim Williams, fabricant de CMT.